CHAPITRE IX

Quelque part dans l’espace profond…

Le transporteur de personnel Jeolocas sortit de l’hyperespace à l’endroit prévu. Si loin de tout système, de toutes les routes hyperspatiales, que ses occupants n’auraient dû voir autour d’eux que des étoiles et des nébuleuses étincelantes…

Ce ne fut pas le cas.

Les lignes tourbillonnantes de l’hyperespace devinrent rectilignes, puis s’évanouirent quand le Jeolocas passa dans l’espace réel.

Pour découvrir devant lui, à portée de tir, la masse oblongue rouge et noir d’une frégate yuuzhan vong.

Le capitaine du Jeolocas, un Corellien, avait grandi bercé par les exploits légendaires des grands pilotes tels que Yan Solo et Wedge Antilles. A la vue du navire, l’héroïsme brûlant du jeune homme se refroidit brusquement. Son vieux désir de tenir un vaisseau ennemi dans sa ligne de tir, de lutter contre des adversaires assoiffés de sang fondit comme neige au soleil.

Sa vie de pilote au service des corporations marchandes lui parut soudain affreusement périlleuse…

— Nous sommes fichus, croassa-t-il.

L’officier assise à ses côtés, une Twi’lek à la peau bleu pâle, sourit.

— Seulement si vous prenez la mauvaise décision.

— Quoi ?

Le capitaine étudia la Twi’lek, cherchant des signes de surprise, d’étonnement… et ne trouva rien. Il la connaissait depuis la veille. Recommandée par l’organisation de Talon Karrde, elle avait été affectée à cette mission au dernier moment.

Il comprit que tout ce qu’il savait d’elle – son nom, ses états de service – n’était que mensonge. Le capitaine jeta un œil autour de lui. Les cinq autres officiers étaient absents. La Twi’lek les avait fait sortir sous différents prétextes, les laissant seuls dans le poste de commande.

— Vous saviez qu’ils nous attendraient, murmura-t-il.

— Exact.

— Vous appartenez aux Brigades de la Paix… Vous nous avez vendus…

— Qui je suis importe peu. Contentez-vous de suivre mes instructions.

Le jeune Corellien sortit son blaster. Il s’était entraîné pendant des années, et la vitesse de son mouvement était telle qu’elle aurait impressionné Yan Solo lui-même, s’il avait été là…

Une douleur aiguë lui traversa le poignet…

Le capitaine baissa les yeux. Sa main, maintenant vide, formait un angle étrange avec son poignet. Et sur son menton était plaqué le canon de son propre blaster, tenu par la Twi’lek.

On eût dit qu’elle hésitait entre le tuer ou lui pardonner sa réaction. La douleur remonta vers le coude du Corellien, puis rampa vers son épaule tandis qu’il fixait son bras, ébahi. Il se frotta la main blessée.

— Veux-tu vivre ? demanda la femme.

Il acquiesça.

La Twi’lek sourit, tendit la main et prit sa casquette de capitaine, qu’elle posa sur sa tête.

— Alors va te cacher. Sors quand je t’appellerai.

Le Corellien se retourna, et, les jambes raides, quitta la passerelle. Par la baie, il vit une navette sortir de la frégate yuuzhan vong.

Soudain, l’idée d’être moins héroïque que Yan Solo lui parut acceptable. Il serait heureux de vieillir sans devenir légendaire… s’il survivait aux minutes suivantes.

 

L’écoutille s’ouvrit. Le guerrier yuuzhan Vong conduisit son unité dans les détestables couloirs métalliques du transporteur.

Un officier les attendait : une femelle d’une espèce qu’il connaissait, mais dont il avait oublié le nom. Sa peau était d’un joli bleu et deux tentacules ondulaient sur son crâne chauve. Elle portait une combinaison turquoise et une casquette, toutes deux brodées d’or.

Un blaster était posé à ses pieds.

— Je m’appelle Bastori Rak, déclara le Yuuzhan Vong. Qui est le capitaine ici ?

— C’est moi.

La femelle hocha la tête avec respect, mais ne croisa pas son regard. Son attitude ne trahissait aucune peur.

Bastori Rak hésita. D’habitude il utilisait la douleur et la terreur pour éviter toute résistance des officiers ennemis. Mais ici, il n’y avait pas d’opposition. D’évidence, la femelle se soumettait. Devait-il la frapper quand même ?

Il décida d’abord de tester son obéissance.

D’un coup sec de son bâton, il transperça le blaster, trouant le pont, au-dessous. Puis, il secoua son bâton pour se débarrasser des restes de l’arme.

— Quelle est votre destination et que transportez-vous ?

— Nous nous dirigeons vers l’amas de Hapès avec une cargaison composée essentiellement de réfugiés. Sept membres d’équipage, et trois cent vingt-six réfugiés – trois cent quarante si vous comptez ceux qui se cachent dans les compartiments secrets. Nous transportons aussi de la nourriture, des effets personnels, de la marchandise et du matériel d’entraînement Jedi. Dois-je vous donner les codes de notre système de sécurité ?

— Oui. Puis vous nous montrerez… du matériel jeedai ?

— Oui.

— Quelle sorte de matériel ?

— Je l’ignore… J’ai vu le contenu d’une seule cantine. J’ai aperçu des holos de régiments à l’entraînement, des enregistrements d’histoire et de philosophie Jedi, des agents infectieux destinés à transformer des êtres normaux en Jedi, un lot de sabres laser provenant de leur nouvelle usine…

Bastori Rak la regarda, ébahi. Des images étincelantes passèrent devant ses yeux : une telle découverte signifiait une promotion… et la célébrité si longtemps attendue par sa famille…

Enfin, il réussit à demander :

— Y a-t-il des Jeedai à bord ?

La femme réfléchit.

— Je ne crois pas. Mais si oui, j’imagine qu’ils seraient en ce moment même près du matériel d’entraînement, pour le détruire.

— Conduisez-nous là-bas. Tout de suite.

Haussant les épaules, la femme s’engagea dans le couloir menant aux profondeurs du cargo.

Deux niveaux plus bas, dans la soute, Bastori Rak et ses guerriers contemplèrent avec dégoût les centaines de conteneurs identiques qui s’entassaient devant eux… Le résultat de la fabrication mécanisée des infidèles.

La femme les conduisit entre deux allées.

— Ici, dit-elle.

Dans une zone ouverte, entre deux rangées, se trouvaient quatre rangées de quatre caisses métalliques, d’environ un mètre sur un. Sur chacun d’eux une étiquette annonçait : « Propriété de l’Académie Jedi. Ne pas ouvrir. »

Bastori Rak se sentit défaillir.

— Pouvons-nous les déplacer sans endommager le contenu ?

— Ça me paraît difficile, dit la femme. (Elle leva la main, paume vers le plafond… Un geste de supplication ?) Laissez-moi vous montrer…

Bastori Rak se tourna vers elle et vit de l’amusement dans ses yeux. Un objet argenté brillant traversa la salle et vint se placer dans la paume de la femme.

La garde d’un sabre laser.

— Que la souffrance te soit bénéfique, face de rat, déclara-t-elle.

Un dard de lumière éclaira la soute. Le bruit caractéristique de l’arme fit réagir Bastori Rak. Levant son bâton, il para l’attaque. Mais la femelle, par un coup latéral, passa au-dessus de l’épaule du guerrier et enfonça la lame dans la jointure de l’armure, entre le cou et le casque.

La souffrance fut trop intense pour que l’organisme de Bastori Rak l’accepte ou l’ignore. Le bâton lui glissa entre les doigts alors qu’il s’écroulait.

Mais il n’était pas mort. Il y voyait encore…

Son second coup frappa la femelle, qui riposta d’une parade élégante.

Il vit les couvercles des conteneurs se soulever et le contenu se déployer sous les fines bâches métalliques qui les dissimulaient.

Des droïds de combat. Les blasters passèrent à l’action, réduisant les guerriers yuuzhan vong en bouillie.

Un éclair blanc dansa devant les yeux de Bastori Rak. Il tenta de rester concentré, sans succès.

Il mourut en voyant ses guerriers déchiquetés par les droïds qu’il haïssait tant.

 

Le colonel Gavin Darklighter était assis dans l’obscurité. Seuls ses instruments de navigation émettaient une pâle lueur.

Il activa son unité com.

— C’est le signal. On fonce.

L’obscurité s’évanouit en même temps que le camouflage de son aile X, qui ressemblait, quelques instants auparavant, à un conteneur de cargo accroché à la coque de transporteur. Autour de lui, les onze chasseurs de l’Escadron Rogue apparurent à leur tour avant de se lancer à pleine vitesse vers la frégate vong.

Leurs ennemis réagirent vite. L’escadron avait à peine quitté le transporteur quand les canons à plasma de la frégate crachèrent leur magma en fusion sur les chasseurs.

— Position d’attaque, dit Gavin. Feu à volonté !

Les ailes des vingt chasseurs s’écartèrent dans leur position caractéristique en « X ». Avant que Gavin ait achevé sa manœuvre, Nevil et deux autres Rogues eurent déjà tiré leurs torpilles à protons.

Les pilotes restants attendirent, manœuvrant leurs chasseurs pour que les canons à plasma perdent leur trace, puis ils firent entrer leurs lasers dans la danse. Douze séries de tirs flamboyants lancèrent leur énergie destructrice à travers l’espace, évitant les torpilles, s’approchant de la frégate…

Et se perdant dans l’espace qui l’entourait.

Répondant à la menace, le système de défense du vaisseau avait créé les singularités gravifiques nécessaires. Elles avalèrent la plus grande partie de l’énergie des lasers… qui les occupait toujours quand les torpilles à protons, après quelques secondes de décalage, frappèrent la coque, explosant en trois gerbes brillantes. Quand la lumière de la dernière déflagration se dissipa, la frégate se fractura, des débris enflammés s’échappant de la déchirure. Les canons à plasma ne visaient plus rien.

Deux d’entre eux seulement tiraient encore au hasard dans l’espace.

— Ennemi hors d’état de nuire, déclara Gavin. Pas de pertes. Gambler, tu me reçois ?

La voix modulée de Lando Calrissian résonna dans l’unité com.

— Bien reçu, Leader Rogue. Pas de pertes ici non plus. Du travail d’artiste.

— Nous nous verrons à la base. Leader Rogue, terminé.

Gavin fit exécuter une élégante courbe à ses chasseurs pour reprendre la direction de Borleias. Quelques instants plus tard, les Rogues passèrent dans l’hyperespace.

 

Lando regarda la soute transformée en champ de bataille. Vingt Yuuzhan Vong gisaient sur le sol, leurs corps parfois si mutilés qu’ils n’étaient plus identifiables. Les quinze droïds de Lando et d’Alema Rar, la Jedi Twi’lek, se déplaçaient entre les cadavres, ramassant les bâtons et coupant les blasters encore en marche.

Alema sifflait en travaillant.

Lando consulta son databloc, puis envoya une question à un système de surveillance installé ailleurs dans le vaisseau.

— Mauvaise nouvelle, annonça-t-il. Le système de Danni n’a repéré aucune fluctuation gravifique bizarre. Ce qui veut dire qu’il n’y a sans doute pas de créature traceuse sur ce vaisseau.

Alena éteignit son sabre laser.

— La trahison doit venir de certains réfugiés. J’ignore pourquoi. Des membres de leur famille servent peut-être d’otages… A moins qu’ils aient été achetés.

Lando se tourna vers son droïd.

— 11-A, nettoie-moi tout ça. Débarrasse seulement les débris biologiques… tant pis pour les traces de blaster dans la coque. Prends les armes représentatives, mets-les dans une caisse, scelle-moi tout ce barda et embarque-le dans la navette.

11-A salua.

— Entendu.

— Voulez-vous que nous célébrions notre victoire ? demanda Alema à Lando avec un sourire faussement naïf.

Lando se tourna vers elle.

— Qu’avez-vous en tête ? (Alema continua à sourire.) Oh. Je suis flatté. Mais je suis marié.

La Twi’lek pencha la tête comme si la réponse était incomplète.

— Je me vois donc dans l’obligation de décliner votre aimable invitation, ajouta-t-il.

La Jedi haussa les épaules, comme si cela n’avait pas d’importance.

— Je vais préparer la navette, alors.

La Twi’lek partie, Lando se retourna vers 11-A.

— Répète-moi les avantages de la vertu !

— Je ne peux pas vous redire ce que je ne vous ai jamais dit, déclara le droïd.

— La question était rhétorique.

— Et je ne peux pas vous le répéter, tout court, si nous n’en avons jamais parlé…

Lando soupira.

— Rhétorique, je te dis. Je devrais t’équiper d’un module de conversation plus évolué si je veux continuer à t’adresser la parole…

La voix d’Alema résonna dans la coursive.

— Capitaine, vous pouvez sortir maintenant…

Occupation de Borleias, trentième jour

Yan se réveilla car Leia le secouait. Leur chambre était plongée dans l’obscurité et il avait l’impression que quelques heures seulement étaient passées depuis qu’il s’était endormi.

Peut-être était-ce pour ça que Borleias n’était jamais devenue une colonie florissante. Parce que tout le monde manquait de sommeil.

— Je viens de recevoir un message du centre de contrôle. Jaina est entrée dans le système stellaire… elle arrive. Tu devrais t’ha…

Yan était déjà debout, sa fatigue dissipée comme des débris organiques dans l’espace.

Il tendit la main vers ses vêtements.

— … biller, termina Leia.

 

Luke les regarda descendre en spirale du ciel – un chasseur à la coque fatiguée et un cargo hapien en forme de disque qui se posèrent à l’endroit qui avait accueilli brièvement les vaisseaux du Conseil.

Jaina Solo, qui possédait la grâce féline de son père et les traits trompeusement délicats de sa mère, descendit la rampe d’accès, ses cheveux bruns encore plaqués sur son crâne par le casque. Ses parents l’étouffèrent aussitôt dans leur étreinte affectueuse. Derrière elle, Lowbacca marchait le nez levé comme s’il cherchait à sentir des amis dans la foule. Quand Tahiri, Zekk et d’autres élèves de l’Académie se précipitèrent, il les accueillit d’un grognement de bienvenue.

Kyp Durron sortit de son cockpit. Contrairement à son habitude, il ne portait pas d’élégants vêtements civils, mais une simple combinaison de pilote.

Luke s’approcha de Kyp. Mara s’attarda… Luke savait qu’elle attendait une occasion de parler à Jaina.

Se tournant vers son ancien élève, Luke fit un signe de tête qu’il espérait amical.

— Kyp…

— Maître Skywalker…

Ni ironie, ni colère dans la voix du jeune homme.

— Tu parais fatigué.

— Non, dit Kyp. Seulement différent.

 

Devant un repas frugal, les nouveaux venus racontèrent leur histoire… Un puzzle, que Jaina, Kyp et Lowbacca complétaient tour à tour. Puis Wedge fit entrer un invité inattendu. Luke sursauta en reconnaissant Jag Fel.

Fel était un grand jeune homme maigre et nerveux. Ses cheveux noirs coupés court, il avait sur le sourcil droit une cicatrice prolongée par une mèche de cheveux blancs. Jag était le neveu de Wedge et un pilote hors pair… Ayant hérité des réflexes des familles Antilles et Fel, il avait été élevé par les Chiss, une race militaire à la peau bleue avec laquelle ses parents avaient vécu. L’uniforme noir de Fel rappelait ceux des pilotes de Tie impériaux, mais la forme était légèrement différente, la veste et le pantalon surlignés de rouge.

Luke savait que Jag avait accompagné Jaina sur Hapès, mais il le croyait parti depuis.

Yan tenta de s’asseoir près de sa fille, puis vit que Leia avait choisi deux places un peu éloignées, comme pour leur donner de la distance et pour mieux observer la scène.

— Ainsi les Yuuzhan Vong se réunissent autour de Hapès… et Tenel Ka est devenue la reine-mère, résuma Luke. Une situation qui a des avantages et des inconvénients. Même avec une flotte réduite et le danger approchant, Hapès peut être un allié précieux. Nous devons offrir à Tenel Ka l’aide dont elle a besoin pour empêcher les Vong de faire de nouvelles incursions…

Kyp fronça les sourcils.

— J’ignore si nous réussirons jamais à comprendre Hapès… (Après une courte hésitation, il ajouta :) Mais je suis mal placé pour en parler.

— Nous avons de la chance que les choses aient bien tourné, dit Luke. Ta’a Chume pourrait être encore au pouvoir, ce qui ne nous faciliterait pas la vie. (Il se tourna vers Jaina.) Je ne remets pas en cause ta décision. Je n’imaginais pas que tu épouserais Isolder…

— Ne t’inquiète pas, oncle Luke. Il n’y a pas de malentendu entre nous. J’ai fait le bon choix.

Yan se pencha à l’oreille de Leia.

— Elle a changé. En quelques jours, depuis que nous avons quitté Hapès…

Leia hocha la tête.

— Jaina a réglé quelque chose. Un des conflits qui la torturait. (Leia soupira.) Mais pas un de ceux qui nous séparent… Quand je l’ai prise dans mes bras tout à l’heure, je l’ai sentie se crisper…

— Notre fille trouvera la solution. Laissons-lui un peu de temps.

Wedge se tourna vers Jaina.

— Alors ? Quels sont tes projets ? Tu fais partie des pilotes de réserve de l’Escadron Rogue, mais ton cas est particulier. Je ne ferai pas appel à toi si Luke considère que tu es plus utile ailleurs. Si tu le désires, je peux aussi te mettre en contact avec d’autres groupes… Mais tes compétences nous seraient fort utiles sur Borleias.

Jaina étudia l’assemblée. Son regard s’attarda sur ses parents, puis, à l’étonnement de Yan, sur Kyp et Jag.

— Je voudrais rester, annonça-t-elle enfin. Mais j’aimerais former un nouvel escadron de pilotes, si je réussis à réunir assez d’hommes et de matériel. Mon intention est de mettre en pratique quelques stratégies Jedi. D’utiliser contre les Vong une unité liée à la Force.

Luke fronça les sourcils.

— Comme Joruus C’baoth l’a fait pour Thrawn…

Jaina haussa les épaules.

— C’est de l’histoire ancienne. Seul le présent m’intéresse. (Voyant les regards furieux de tous ceux qui avaient dépassé la trentaine, Jaina sourit :) Ne vous vexez pas… Je me suis mal exprimée. Je n’ai pas l’intention de monter une opération du niveau de celle de C’baoth. Il s’agit d’un seul escadron. Les Yuuzhan Vong pensent que je suis liée à Yun-Harla, leur déesse de la fourberie, ou ce qu’ils considèrent comme de la fourberie. Pour moi, il s’agit de la Force. De l’alliance de la Force et des conseils des meilleurs pilotes, comme oncle Luke et le général Antilles…

Wedge réfléchit.

— J’ai entendu parler de Yun-Harla. L’idée a un réel potentiel. Une guerre psychologique… Oui, excellente initiative. Mais si nous voulons que les Yuuzhan Vong te prennent pour une déesse, nous allons devoir te traiter comme telle.

— Quelle horreur ! s’exclama Jaina avec un sourire.

— Je suis sérieux. Imagine les conséquences… Tu seras isolée des autres. Il te faudra être l’objet d’un traitement spécial… Tu devras recevoir des avantages, un respect que tu n’as pas encore mérité et les autres pilotes ne vont guère apprécier. Tu pourras parler librement avec ceux qui sont dans le secret, et seulement dans des zones sécurisées, par crainte des mouchards. Oui, tu seras très seule…

— Ce n’est pas un problème.

Luke se pencha en avant.

— Nous devons essayer. Tout ce qui peut déstabiliser les Yuuzhan Vong doit être entrepris. Puisque je suis sur une mission, pourquoi Jaina ne prendrait-elle pas les commandes de l’Escadron Soleils Jumeaux ? Avec ton accord, Wedge, naturellement…

Jaina se redressa.

— Tu es sérieux ?

— Je le suis. Les Yuuzhan Vong seront réceptifs au symbole. Luke Skywalker laissant les commandes de son escadron à…

— Pas n’importe quel escadron ! lança Jag. Un escadron comprenant le mot « jumeau » dans son nom !

Jaina hocha la tête.

— Parfait. Bien sûr, ce nom fait allusion aux soleils de Tatooine, mais les Yuuzhan Vong l’ignorent…

Wedge hocha la tête.

— Jaina a besoin de s’exercer au rôle de chef… et n’oublions pas que Corran Horn a rejoint l’Escadron Rogue. Avec des Jedi présents dans nos deux forces, nous pourrons expérimenter de nouvelles tactiques…

— Un escadron de chasseurs de Hapès m’accompagne, dit Jag. Mais je dois avouer que l’idée de jouer avec la Force – ainsi qu’avec les esprits de nos ennemis – m’intrigue. J’aimerais rejoindre les Soleils Jumeaux.

— Moi aussi.

La voix était celle de Kyp Durron. Yan vit passer de la surprise dans les yeux de Luke.

Wedge ne dissimula pas la sienne.

— Jag, Kyp… Vous êtes certains ? Vous êtes prêts à obéir à quelqu’un de moins expérimenté que vous ?

— Oui, dit Jag. Je sais obéir aux ordres aussi bien qu’en donner. Et mon second, Shawnkyr Nuruodo, a les qualifications nécessaires pour diriger l’escadron de Hapès.

— Analyser et conseiller au lieu de commander me fera du bien, ajouta Kyp. Si je craque, je demanderai mon transfert.

— On dirait que Jaina n’est pas la seule à avoir changé, chuchota Leia à l’oreille de Yan.

— Ce n’est pas Kyp, c’est un imposteur, murmura Yan en retour. Distrais-le, je vais l’abattre.

Wedge sourit à Jaina.

— Et voilà. En moins d’une minute, nous venons de monter la garde d’honneur de l’incarnation d’une déesse yuuzhan vong. Voilà le premier de tes devoirs, Jaina : survivre à la masse de papiers administratifs que tu devras remplir. Et je vais voir si je peux t’affecter un pilote Ewok rien que pour te rendre la vie plus difficile. Tu vas comprendre ce qu’est mon lot quotidien, petite…

Vaisseau-monde yuuzhan vong, orbite de Coruscant

Nen Yim se pencha vers le maître de guerre. Elle était nerveuse – elle jouait sa vie dans cette affaire, et rien ne se passait comme prévu.

Pour commencer, Tsavong Lah était allongé devant elle.

Nen Yim, une Yuuzhan Vong, appartenait à la caste des modeleurs. Elle portait la coiffe rituelle de sa profession, et son corps était orné des mutilations et décorations idoines. Sa main droite n’était pas de naissance. Elle avait huit doigts – les outils nécessaires à son art. Son professeur, Mezhan Kwaad, un hérétique, avait manqué de respect aux dieux… Mais grâce à lui, Nen Yim avait appris de nombreux secrets. Elle avait vite été appelée aux côtés du Seigneur Suprême Shimrra qui l’avait ensuite prêtée, de manière temporaire, au maître de guerre.

Grâce à une lentille courbe – une créature vivante capable de modifier sa forme et le grossissement selon la volonté de l’opérateur – Nen Yim étudiait le bras gauche de Tsavong Lah. Elle l’inspecta avec soin, se concentrant sur l’apparence de la chair à la jointure du bras, étudiant le comportement des nécrophages. Agrandis par la lentille, ils paraissaient énormes. Leurs poils raides, leurs pattes anguleuses et leurs pinces étaient clairement visibles.

— Alors ? demanda Tsavong.

Nen Yim hésita… Mais elle n’avait rien à perdre à être franche.

— Après un examen si bref, mon analyse ne saurait être complète. Mais je peux déjà vous dire qu’il ne s’agit pas d’un rejet d’implant classique.

— Pourquoi ?

— Ces créatures dévorent la chair morte… elles sont donc nécessaires pour nettoyer les plaies. Or elles attaquent la jointure alors que la chair n’est pas nécrosée. Votre bras et la pince radank se régénèrent normalement. S’il s’agissait d’un rejet, votre membre ne se régénérerait pas et les créatures dévoreraient la peau morte, empêchant le lien entre votre bras et la griffe de se constituer…

Le maître de guerre gardant le silence, Nen Yim décida de continuer.

— Un autre fait étrange : comme votre chair se régénère plus lentement que la griffe, celle-ci agrandit, occupant une plus large partie de votre bras…

— J’ai remarqué.

— Mais cette évolution n’est pas naturelle. D’autant plus que la pince radank développe ses caractéristiques complètes. On dirait que la créature entière veut se reformer en essayant d’absorber votre corps. Il s’agit d’une pathologie extrêmement curieuse.

— Supposons qu’un modeleur me l’ait infligée délibérément. Dans quel but aurait-il agi ?

Nen Yim dirigea sa lentille sur les échantillons des tissus de Tsavong, qu’elle avait étalés sur une table.

— Je pense que la présence des nécrophages était destinée à tromper ceux qui essaient d’analyser votre blessure… Un profane, croyant à un rejet, aurait prescrit le sacrifice de votre bras. Mais il est sain… Si nous pouvons arrêter le processus, il sera aussi fonctionnel qu’après une transplantation normale.

— En d’autres termes, le processus laisse penser à un rejet, mais sans causer de dommages irréversibles…

— En effet, maître de guerre.

— En seriez-vous capable ? Pourriez-vous reproduire une telle transplantation ?

— Je le pense. Je n’ai jamais étudié la question… Mais en comprenant la technique employée, je pourrais sans doute l’imiter.

— Que devriez-vous faire à la victime pour atteindre votre but ?

— Je devrais préparer la chair afin qu’elle réagisse à certaines substances. Ensuite, une fois l’implant mis en place, je devrais administrer ces substances à l’organisme…

Tsavong Lah secoua la tête.

— Il est impossible de me faire avaler des poisons. Je prends des mesures trop drastiques pour garantir la pureté de mes aliments.

— Le modeleur vous touche-t-il ?

Nen Yim avait parlé sans réfléchir… Elle avait posé une question spontanée, alors que quelqu’un d’un niveau aussi inférieur à celui du maître de guerre devait prononcer de nombreuses paroles rituelles avant de se permettre une telle entorse au protocole.

— Pardonnez mon impolitesse, reprit-elle. Simplement… si je vous auscultais tous les jours, je pourrais facilement introduire des substances dans votre membre. Le modeleur utilise peut-être des créatures identiques aux dévoreurs de chair, mais dans le but d’introduire les produits désirés dans votre bras…

— Il touche mon bras et l’implant lors de ses examens. Pouvez-vous contrarier ses efforts ?

— Je l’ignore. Je ne peux même pas vous assurer qu’il s’agit bien de l’action d’un modeleur. Cela pourrait être une punition divine…

Nen Yim sentit Tsavong Lah se crisper et ajouta rapidement :

— Mais en supposant qu’un modeleur soit responsable de votre état, le mieux serait que j’examine votre bras juste après sa visite… Ça me permettrait de repérer les parasites ou les substances introduites.

— Il en sera ainsi.

Tsavong Lah fit signe à la modeleuse de remettre la capuche sous laquelle elle avait dissimulé ses traits en entrant dans la pièce.

— Vous allez être reconduite à vos quartiers. Préparez une liste de ce qu’il vous faut. Si on vous pose des questions, répondez que vous êtes venue pour préparer ma servante, Viqi Shesh, à quelques expériences. (Comme s’il devinait les pensées de Nen Yim, le maître de guerre ajouta :) Non, vous ne lui ferez rien. Mais votre réponse apaisera les curieux.

— A vos ordres, maître de guerre.

Nen s’inclina, puis se retira.

Occupation de Borleias, trente-septième jour

— Alors, je dois regarder quoi ? demanda Iella.

Elle était dans le bureau de Danni et commençait à s’énerver. Iella n’aimait pas perdre son temps.

Danni appuya sur une touche du databloc. Une image apparut : celle de Yuuzhan Vong courant dans un couloir obscur. Ils chargeaient le propriétaire de l’holocaméra en poussant des cris de guerre terrifiants.

— Cet enregistrement a été réalisé par Tam Elgrin, expliqua Danni. Il se cachait dans un immeuble de Coruscant avec un groupe de réfugiés quand une patrouille de Vong s’est lancée à leur poursuite. Tam a pris le temps d’enregistrer quelques images avant de prendre la fuite… Il s’en est sorti… mais beaucoup de réfugiés ont péri.

— Et ?

— Il y a quelque chose de bizarre dans cet enregistrement. Ainsi que chez Tam. Il agit de manière étrange. Il n’est pas seulement antisocial… Il y a autre chose. En essayant d’analyser ce qui n’allait pas, et ce qui clochait dans cet enregistrement, j’ai découvert le problème. Et il ne vient pas des Vong.

— Danni, je ne te suis plus.

— J’ai demandé aux Spectres d’étudier cet enregistrement pendant leur temps libre.

— Ils ont du temps libre ? Je ne me souviens pas leur en avoir accordé. Alors ? Qu’ont-ils trouvé ?

— Il y a neuf sortes de bruits de pas dans ce couloir. Ceux de huit guerriers yuuzhan vong et ceux de Tam. Huit Vong et un humain. (Iella regarda de nouveau la scène qui passait en boucle). Ce qui veut dire que Tam était seul. Il n’y avait pas de réfugiés.

— D’accord…

— Pourquoi Tam a-t-il menti ?

La réponse était évidente.

— Parce que s’il avouait avoir été seul, dit Iella, il lui aurait fallu trouver une sacrée bonne explication pour nous convaincre qu’il avait réussi à échapper à la horde.

— Exact.

— Conclusion : il ne s’est pas échappé.

Danni haussa les épaules.

— C’est mon avis. Mais je n’appartiens pas aux services secrets.

— Tu veux un transfert ?

Danni sourit.

— Je doute qu’on me laisserait partir.

Iella sortit la carte de données du databloc.

— Ça t’ennuie que je prenne la datacarte ? demanda-t-elle.

— Vas-y. J’ai fait des copies. Plusieurs.

— Beau boulot, Danni. (Se levant, Iella se dirigea vers la porte.) Préviens-moi si tu veux rejoindre nos services.

 

— Leader Soleils Jumeaux prête, annonça Jaina.

La vibration des moteurs de son aile X résonnait sur le tarmac, mêlée au gémissement des autres moteurs.

Un bruit familier, agréable.

— Jumeaux Deux… prêt. (La voix de Kyp.) Aujourd’hui, je protège une déesse.

— Jumeaux trois, prêt.

C’était Jag, qui n’ajouta aucun commentaire.

— Temps Record, prêt à décoller.

Quelques instants plus tard, les deux ailes X et le vaisseau de Jag montèrent dans l’atmosphère pour protéger le transporteur de troupes endommagé pendant la prise de Borleias. Le Temps Record, réparé, pouvait maintenant les suivre. Dans le ciel étoilé pointaient les premières lueurs de l’aube.

Jaina jeta un coup d’œil au vaisseau de Jag. La griffe était une variante du chasseur Tie, avec un cockpit sphérique classique et deux moteurs ioniques… Mais entre les moteurs et le cockpit se déployaient quatre grandes voiles solaires. Jaina hésitait entre l’irritation et l’amusement. Un vaisseau si incongru, dans son escadron… Comment réagirait une déesse yuuzhan vong ?

Quelques minutes plus tard, alors qu’ils se dirigeaient vers un coin de l’espace de Pyria éloigné des routes spatiales, elle alluma son unité com.

— Kyp, fais-moi penser à donner des ordres en rentrant… Je veux que tous les vaisseaux de mon escadron soient décorés de manière originale par leurs pilotes. Pas d’uniformité.

— Compris, déesse.

La voix de Jag s’éleva.

— Arrivée imminente dans la zone d’entraînement, dix secondes… neuf… huit…

Sept secondes plus tard, les vaisseaux coupèrent leurs réacteurs pour dériver lentement dans l’espace, attendant que le Temps Record les rejoigne.

— Comment vas-tu peindre ton chasseur, Jag ?

— En noir, répondit aussitôt celui-ci. Les « griffes » seront couleur argent, avec quelques taches rouge sang. L’aspect métallique a pour but d’énerver les Vong – sinon, j’aurais choisi un style plus animal…

— Tu te décides vite !

— Non. J’ai réfléchi à la question il y a quelques jours, quand j’ai prévu cet ordre…

Il y a quelques jours ? Jaina lutta contre la surprise et l’énervement. Comment Jag osait-il prédire ses actes ?

Pire encore, comment osait-il réussir ?

Mais la vague d’émotion passa vite. Les Jedi se devaient de rester sereins. Et les chefs d’escadron ne laissaient pas leurs pilotes leur taper sur les nerfs.

Jaina ne devait pas trahir sa surprise.

Elle sourit.

— Félicitations. Bon choix.

— Merci.

Un rien d’ironie faisant vibrer la voix de Jag, l’irritation de Jaina revint en force. Les pilotes de la Nouvelle République avaient tort : Jag Fel ne se croyait pas supérieur. Mais il avait l’exaspérante manie de percer à jour les mensonges, de sentir la vérité derrière les façades et les attitudes…

Et personne n’appréciait ce type de talent.

Jag allait avoir du mal à la traiter avec le respect dû à une déesse. Jaina sourit. Elle trouverait un moyen de le mettre mal à l’aise, de lui faire perdre son irritante confiance.

— Le Temps Record est arrivé.

L’annonce sortit Jaina de sa rêverie.

— Déployez les cibles, dit Jaina. Allez, Kyp, montrons à Jag à quoi sert la Force…

Une série de conteneurs s’échappèrent d’une soute du Temps Record. Corrodés ou inutilisables, ils avaient servi à apporter le matériel militaire dans le système de Pyria. Une cible rouge peinte sur chaque côté, des capteurs collés au métal, ils filaient dans l’espace à la vitesse du vaisseau.

Jaina fit décrire à son appareil une courbe qui l’amena sur un cap perpendiculaire au trajet des conteneurs.

— Je suis ouvert, déesse.

Jaina fronça les sourcils. Elle aurait dû savoir que Kyp serait prêt pour le lien psychique prévu. Elle aurait dû sentir sa présence.

Mais elle s’était fermée à Kyp. C’était mieux ainsi. S’ils étaient trop proches, il souffrirait quand… si… elle suivrait ses frères dans la mort.

Pas « si ». Quand.

Kyp avait aidé Jaina à se ressaisir quand elle avait pris le chemin du Côté Obscur. Elle le considérait comme un second maître, même si personne ne pourrait remplacer Mara. Et pourtant, il était plus sûr de garder une certaine distance…

Mais la distance n’était pas toujours possible. Malgré sa réticence, Jaina se lança vers Kyp, le trouva et se fondit en partie avec lui.

Le lien n’était pas aussi fort que celui entre Luke et Mara. Jaina ne le voulait pas ainsi.

Une aussi grande intimité ne pouvait rien donner de bon…

Jaina hésita, se demandant d’où venait cette pensée, et si Kyp l’avait perçue. Mais elle ne sentait chez lui aucune émotion particulière. Sans doute n’avait-il rien « entendu ».

— Très bien, Jag… Kyp et moi allons choisir une cible et tirer. Les capteurs nous diront si nous frappons au même endroit et si notre coordination à travers la Force est efficace. Pour le plaisir, j’aimerais que tu voies combien de temps ça te prend de faire un trou dans la cible, au milieu de nos deux impacts…

— Je suis prêt.

Les vaisseaux se mirent en formation d’attaque, Jaina et Kyp avançant avec une coordination et une précision dues à la Force. Jag suivait, manœuvrant aussi vite que possible sans lien psychique.

Jaina choisit sa cible, une caisse qui tournait autour de son axe, et tira. Ses lasers et ceux de Kyp brûlèrent le métal au même instant… Ou, plus exactement, à deux instants indiscernables par un œil humain. Les deux cibles fondirent, désintégrant le conteneur. Une fraction de seconde plus tard, le coup de Jag frappait le centre, le déchirant en deux.

— Pas mal, dit Jaina en consultant son tableau de bord. Quatre centièmes de seconde entre nos deux tirs, Kyp… Nous pouvons faire mieux. Jag, tu étais à vingt-six centièmes derrière, ce qui est impressionnant considérant que tu ne savais pas quelle cible nous allions toucher…

— Oh, je le savais. Quand tu as le choix, Jaina, tu vires à bâbord plus de cinquante fois sur cent. La logique voulant que tu ne sélectionnes pas le premier conteneur, je me suis fixé sur le suivant… Bien sûr, si je m’étais trompé, j’aurais perdu un temps précieux avant de toucher la bonne cible.

Jaina soupira. Jag était déterminé à l’exaspérer en prédisant ses actes. Contrôlant ses émotions, elle retrouva la sérénité et se contenta de cliquer sur son unité com pour montrer qu’elle avait entendu.

— On recommence…

Le deuxième passage fut très similaire au premier. Les tirs de Jaina et de Kyp furent séparés par quelques centièmes de seconde… et le tir de Jag fut plus rapide que le premier.

— Tu avais deviné que je virerai à gauche pour abattre la première cible, dit Jaina.

— Oui.

— On recommence.

 

Luke finissait de préparer son sac quand sa femme entra. Elle portait Ben dans ses bras, qui lui tirait les cheveux et les mordillait. Mais l’attention de Mara se concentrait sur son mari.

— Je viens sur Coruscant avec toi, déclara-t-elle.

— Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?

— Le temps… J’ai réfléchi. Nul n’est plus apte que toi à protéger Ben, et personne n’est plus apte que moi à t’aider. (Elle haussa les épaules.) J’ai compris une chose : si j’attends que les ennemis soient à la porte de Ben pour les tuer, j’aurai échoué…

Le visage de Mara était si triste que Luke sentit sa gorge se serrer.

— Ecoute… je vais dans la jungle, avec Tahiri, planter quelques capteurs gravifiques. Tu veux m’accompagner ?

Mara hocha la tête.

— Tu crois que Leia acceptera de faire du baby-sitting ?

— Elle en sera ravie.

 

Luke, Mara et Tahiri s’étaient éloignés de quelques centaines de mètres de la zone de combat. Une fois dans la jungle, ils avaient fait des détours pour semer d’éventuels espions, avant d’atteindre enfin leur premier objectif.

Posant son sac à dos, Luke sortit un lourd marteau au manche raccourci.

— Regarde, Tahiri, dit-il d’une voix grave. Contemple l’arme que les Jedi avaient choisie avant le sabre laser…

Tahiri fronça les sourcils.

— Tu plaisantes, hein ?

— Evidemment que je plaisante. Le marteau Jedi ? Personne n’y croirait. (Luke se tourna vers sa femme.) Mara ?

Celle-ci sortit de son sac à dos une barre de métal longue de soixante-dix centimètres, dont une extrémité s’élargissait comme un champignon. Elle le planta dans le sol puis se tourna vers Luke.

— Je t’en prie… J’ai toujours considéré que taper sur un truc métallique avec un autre truc métallique était un travail d’homme.

Prenant le marteau, Luke frappa une série de coups secs et puissants jusqu’à ce que la barre soit entièrement enfoncée dans le sol. Puis il recouvrit l’endroit de terre et de brindilles.

— Et ce… truc va transmettre les fluctuations gravifiques ? demanda Tahiri, le doute audible dans sa voix.

— En effet.

Luke rangea le marteau, puis souleva le sac. Il pesait bien moins lourd que quand il l’avait posé. Le Jedi fit semblant de ne rien remarquer. Le sol, lisse quand il avait posé le sac, ne l’était plus… Là encore, Luke fit mine de n’avoir rien vu.

— Prête ?

— Prête, annonça Tahiri.

Mara se contenta de hocher la tête.

Ils s’éloignèrent du site et Luke chuchota :

— Alors ?

— Je crois que nous étions observés, souffla Tahiri. Je veux dire… ça me paraissait… vrai. Vrai à la manière yuuzhan vong. Mais je ne peux rien affirmer.

— Moi, je le peux, dit Luke. Tu n’as pas senti les insectes se taire brusquement, à l’est.

Tahiri parut embarrassée.

— Non. Je suppose que je l’aurais remarqué si j’y avais fait attention…

— Ne t’en fais pas. Tu pensais à la manière vong…

— Yuuzhan vong.

— … Yuuzhan vong, au lieu de penser comme une Jedi. Je suppose que confiner les deux systèmes ne doit pas être facile.

Tahiri secoua la tête.

— Alors ils sont devant nous… Il doit y avoir deux groupes. Ceux qui nous observaient n’ont pas eu le temps de se mettre en position.

— Bien raisonné, dit Mara. Et quand vont-ils frapper ?

— Ils attendront que le premier groupe atteigne le site que nous venons de quitter, expliqua Tahiri. Mais ils sont impatients. Ils vont agir vite. A peu près… maintenant.

Elle activa son sabre laser, le bruit caractéristique annonçant la montée de la lame suivit aussitôt du grésillement de l’insecte tonnerre qu’elle venait d’intercepter.

L’insecte se consuma et disparut après un petit craquement.

Luke aussi avait son sabre laser à la main. Il tourna le dos à Tahiri et Mara l’imita. Dos à dos, les trois guerriers firent face aux Yuuzhan Vong qui sortaient de la jungle.

Ils étaient cinq. Le premier, qui chargeait Luke, courait trop vite, persuadé que l’insecte avait distrait le Jedi. Luke esquiva facilement le coup de bâton, laissant le guerrier déséquilibré continuer, emporté par son propre poids.

A toi.

Mara plongea sa lame dans la tête du guerrier sans lui avoir accordé un regard.

Le suivant fonçait vers Tahiri, son bâton bien droit dans ses deux mains. La jeune fille para le premier coup, le second, puis frappa le genou de son adversaire du pied, mais l’impact n’eut presque aucun effet sur l’armure de crabe vonduun.

Deux autres Vong, œuvrant de concert, bondirent des buissons sur Mara.

Elle changea la position de sa main sur son sabre laser, plaçant la lame vers le bas pour parer les coups des bâtons vong. Un guerrier se redressa pour tenter de frapper à la tête. Mara lui lança un coup de pied qui l’atteignit sous le menton et l’envoya rouler dans les frondaisons.

Le dernier visait Luke. Il était plus lent et plus patient que ses camarades. Le Jedi frappa et feinta ; il allait attaquer quand quelque chose, dans la position du Yuuzhan Vong, l’alarma.

Luke se laissa tomber sur un genou, juste à temps pour voir le jet de poison passer sans danger au-dessus de sa tête.

Sans danger ? Le poison continua de filer vers Tahiri. Au dernier moment, elle recula d’un pas, et le liquide vint s’écraser sur le masque de son adversaire, passant à travers les trous ménagés pour les yeux. Le guerrier laissa échapper un atroce gargouillis, retenant sans doute un cri de terreur ou de douleur.

Luke se releva, bondit par-dessus son adversaire et se retourna pour frapper à la tête. Le Vong dévia le coup du bout de son bâton. Il allait enfoncer l’extrémité pointue de son arme dans le corps de Luke ! Celui-ci l’évita au dernier moment. Puis il fit descendre sa lame étincelante le long du bâton. Son adversaire se dégagea juste à temps pour ne pas avoir les doigts tranchés.

L’ennemi de Tahiri était à terre, le poison coulant d’une orbite vide tandis que de la fumée sortait de l’autre. Elle changea de position et intercepta le deuxième adversaire de Mara qui sortait des buissons. Pris par surprise par la férocité des attaques, les deux guerriers battirent en retraite dans la forêt. Tahiri les suivit.

La tête reptilienne d’un bâton vong vola vers Luke, qui fît un pas sur le côté au moment précis où un nouveau Vong lâcha son poison. La main de Mara se referma sur le bâton et tira. Le guerrier perdit un court instant l’équilibre, et la lame de Luke s’abattit dans la chair vulnérable, juste sous le casque.

Le Vong s’écroula.

Luke se retourna. Mara lança le bâton qu’elle venait de prendre à son adversaire. Celui-ci le dévia d’un geste méprisant et leva son arme.

Luke lança la sienne, ajoutant avec la Force une fluctuation imprévisible de la trajectoire. Le Yuuzhan Vong para, mais cette diversion lui fut fatale. Le coup de Mara le toucha à l’intersection de l’épaule droite, tranchant le bras.

Le Vong tomba et Mara l’acheva.

Luke leva la main et son arme, éteinte, retourna aussitôt se caler dans sa paume. Il la ralluma.

— Tahiri ?

La jeune femme émergeait de la jungle, indemne.

— Regardez ce que le mien transportait, dit-elle, en levant une longue barre de métal.

— C’est celle que nous venons d’installer ? demanda Luke.

— Non.

Mara sourit.

— Gagné !

— Partons, ajouta Luke. Avant qu’un autre groupe décide de nous rendre visite…

Ils se dirigèrent vers le site suivant. Là, ils enfoncèrent une nouvelle barre… qui contenait certes des capteurs, mais qui était destinée à être découverte par les Yuuzhan Vong.

Les vrais capteurs étaient dans le sac à dos de Luke… dans de minuscules droïds. Equipés des mêmes détecteurs gravifiques que la barre, ils avaient été programmés pour quitter un par un le sac de Luke et s’enfoncer discrètement dans la terre.

Les Vong qui les observaient verraient peut-être les pieux. Il y avait peu de chance qu’ils trouvent les droïds.

Luke se battait contre des adversaires pleins de ressources, mais ses alliés en avaient aussi…

 

Ils abattirent cible après cible, Jaina apprenant à faire des choix plus complexes que Jag ne pouvait prédire. L’intervalle entre le tir de Kyp et celui de Jag grandit jusqu’à atteindre une demi-seconde, donnant à la jeune femme l’impression d’avoir obtenu une petite victoire. Au moins, Jag allait perdre un peu de son assurance…

Mais Kyp et elle étaient toujours en phase.

— J’ai une théorie, dit Jag. Sur la coordination à travers la Force.

Jaina faillit rire.

— Jag, tu n’y connais rien. Tu y es aussi réfractaire à la Force que ton oncle.

— Vrai… mais mon oncle penserait la même chose. Votre lien psychique est comparable à une interface neurale. Supposons que la communication des impulsions se fasse à la vitesse de la lumière. Ton impulsion déclenche ton réflexe de tir et celui de Kyp… Correct ?

— Sans doute…

— L’intervalle entre vos deux tirs est donc équivalent à la différence de vos temps de réaction. Kyp est plus âgé que toi, et donc légèrement plus lent. Tu devrais attendre une fraction de seconde avant de tirer, ou laisser Kyp te guider et le suivre…

Jaina jeta un coup d’œil à l’appareil de Jag, qui flottait non loin du sien.

— Pourquoi pas ? Très bien. Essayons.

Au passage suivant, la différence entre les tirs de Jaina et de Kyp n’était plus que d’un centième de seconde, en faveur de Jaina.

— Bien vu, Fel ! lança Kyp. Allez, on réessaye et…

Il s’interrompit. Jaina avait senti la même chose. Elle fixa l’espace et la lointaine Pyria.

— Un problème ? demanda Jag.

— Quelque chose…

Jaina bascula son unité com sur la fréquence de la flotte et ouvrit son programme de navigation. Orientant son aile X vers la source de son inquiétude, elle calcula la course.

— Leader Soleils Jumeaux à Contrôle…

— Contrôle, j’écoute.

— Détectez-vous un vaisseau sur vos instruments, du côté intérieur du système… disons, en route vers Arkania ?

Un court silence.

— Négatif.

— Je sens quelque chose… On y va. Restez en contact. (Jaina passa sur la fréquence de l’escadron.) Allez, mortels.

— A vos ordres, déesse.

Jag se contenta d’acquiescer d’un double clic.

Derrière les lignes ennemies 1 - Le rêve rebelle
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